"On n'est pas sérieux quand on a 17 ans...".
La petite histoire : à 16 ans, vers 1985, en ces temps où j'habitais à Saint-Malo Intra-Muros depuis ma naissance, j'avais décidé un soir de rompre avec la monotonie. Armé d'un pinceau et d'un pot de peinture, direction le Môle des Noires pour tenter de faire passer l'un de mes poèmes à la postérité. Comme tous les rêveurs, on rêve toujours de postérité à 16 ans.
Sans aucun doute aussi pour laisser un message à ce grand-père tant aimé, qui casquette de marin sur la tête, m'amenait souvent après l'école voir les joueurs de boules bretonnes cale de la Bourse. Il nous avait quitté et rendre hommage à Saint-Malo à travers la poésie, c'était lui rendre hommage en secret.
Ce soir là, je m'en souviens encore aujourd'hui comme si c'était hier. Je suis arrivé tranquillement, j'ai posé mon matériel, je me suis posé au sol et j'ai commencé à écrire.
Quelques passants s'attardaient malgré la nuit mais j'avais l'impression d'être invisible. Comme ces moments où le vide se fait en nous, que l'on a beau être parmi les autres mais que l'on est invisible à leurs yeux ; un sentiment d'apesanteur est palpable, le silence est indéniable, l'on est plusieurs mais l'on est seul !
A l'époque, c'est Ouest-France, qui a finalement relayé ce fait dans ses colonnes. Et j'avais dérobé les articles que ma tante avait conservés (comme si elle savait que c'était moi), pour les glisser dans mon cahier de poésies. Par deux fois, deux articles.
Et personnellement, je m'amusais à me poser sur les remparts et je comptais tous ces gens qui s'arrêtaient pour décrypter les lignes. Malgré la pluie et le vent, ce poème resta près de 3 ans à l'endroit. Mais la brise et le sel ont eu raison de lui et la postérité s'est envolée avec. Mon adolescence aussi mais la poésie est restée, et des centaines de poèmes plus loin, je retrouve ces articles dans un vieux cahier déchiré...
34 ans plus tard, je reste heureux d'avoir fait ça. A l'époque j'avais le sentiment d'être lu, que la poésie plaisait et que, peut-être, j'en ferais mon métier. Les utopies ont laissé place à la réalité d'un monde qui n'aime pas forcément les poètes. Ou du moins qui s'éternise à mettre en valeur des poètes anciens, révolus dont le talent est certain.
Je voyais aussi à travers ce poème, la reconstitution de ma pensée du moment. J'imaginais bien que les remparts de la ville tiendraient des années et qu'au fil de la vie, les amis, les parents, les oncles et les tantes partiraient les uns après les autres. Eux ne tiendraient pas !
Les souvenirs de ces gens qu'on aime restent gravés dans les remparts. Ces remparts silencieux et solides qui gardent toutes nos anecdotes, qui ont vu tant de choses du passé, de notre passé. Les remparts n'ont pas bougé, nos vies ont été remuées, nos espoirs se sont écroulés ou pas, le temps a chassé les uns et les autres, nous laissant imbibés de pensées et de souvenirs, de pleurs et de joies.
Voilà la petite histoire et voila ci-dessous le poème rédigé à l'époque, à la peinture sur le Môle des Noires de Saint-Malo.
Saint-Malo et ses remparts,
Saint-Malo est dans ma mémoire.
Saint-Malo et sa mer,
Saint-Malo est ma terre.
Tu m'as vu grandir,
Je voulais simplement te dire,
Un grand Merci,
Tu m'as donné tant d'amis.
Dans l'orage d'une mer déchaînée,
Dans le froid d'un hiver glacé,
Tu m'as soutenu pour marcher,
Tu as su me protéger.
Soudain, j'ai un soupir,
A Saint-Malo tant de souvenirs,
Tant d'amours sont passés,
Dans tes pierres, ils sont gravés.
Tes flots et ton soleil,
Ont porté bien des merveilles,
Tes plages et tes rochers,
Gardent mes pensées.
Vas-tu me maudire,
Car je vais bientôt partir ?
Demain vers Saint-Brieuc,
Je t'écrirais si tu veux.
Ne pleure pas, je reviendrai,
Sans doute à la fin mai.
Et on se dira tout, tu verras,
Ce sera comme autrefois.
©1985Y.C